Le
géant des Alpes vient de perdre un peu de sa superbe. Il n'est certes pas
devenu un nain et demeure le plus haut sommet d'Europe occidentale. Mais
il est passé sous la barre mythique des 4 800 mètres. Celle qu'ont gardée
en mémoire des générations d'écoliers, qui ont appris qu'il culminait à 4
807 mètres, pas un de moins.
Ce n'est pas la première fois que le mont Blanc joue au Yo-Yo. En septembre
2001, l'Institut géographique national et l'ordre des géomètres-experts l'avaient
gratifié, GPS à l'appui, de 3 mètres supplémentaires : 4 810,4 mètres exactement.
En octobre 2003, ils lui en avaient retranché 2, le rabaissant à 4 808,4
mètres. Un tassement dû non pas à la canicule estivale - à cette altitude,
la température descend à -15o C et la calotte de glace ne fond
quasiment pas -, mais à des chutes de neige hivernales moins abondantes ainsi
qu'à l'érosion par le vent.
Cette fois, c'est la hauteur du socle rocheux qu'ont évaluée les chercheurs
du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement du CNRS de
Grenoble et ceux de l'Institut technique fédéral de l'université de Zurich.
Ces arpenteurs des cimes, munis d'un radar, ont calculé l'épaisseur de la
couverture de neige sommitale à partir du temps mis par des ondes électromagnétiques
pour la traverser et être réfléchies par le lit de rochers. Par soustraction,
ils en ont déduit que, sans sa coiffe immaculée, le mont Blanc perdait plus
d'une dizaine de mètres.
Faut-il récrire d'urgence les manuels scolaires ? Les glaciologues ont
surtout voulu préparer le terrain à une campagne de forages qui sera réalisée,
en fonction des conditions climatiques, à l'automne 2004 ou au printemps
2005. "Par son altitude et sa température, le mont Blanc réunit les conditions
idéales pour étudier la composition chimique de l'atmosphère au cours des
100 à 150 dernières années", explique Christian Vincent, du laboratoire grenoblois.
Les carottes glaciaires, dont les strates pourront être datées grâce aux
éléments radioactifs relâchés par les essais nucléaires des années 1950 et
1960 et aux poussières du Sahara amenées jusqu'à nous par les vents, devraient
livrer des informations précieuses sur la pollution de l'atmosphère en Europe
depuis l'époque pré-industrielle. Et peut-être aider à mieux connaître l'impact
du réchauffement climatique sur les domaines de haute altitude. Quelques
mètres en plus ou en moins n'y changeront rien.
Pierre Le Hir