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Le 13 juillet 2004.
Bonjour tout le monde,
Tout allait pour le mieux jusqu'à présent, mais deux co-expéditionnaires,
Fabien et Yannick, ont du abandonner pour cause de début d'oedeme cérébral.
Je suis à la fois triste de leur départ, mais en même temps bien rassuré de
les savoir en bonnes mains : les médecins de Skardu qui s'occupent d'eux
sont habitués à ces symptômes, ils ont créer une unité de soins spéciaux
pour ces pathologies (début d'oedeme cérébral du à l'altitude). Nous ne
savons pas encore le jour exact de leur transfert à Islamabad, mais cela
devait être rapide, deux ou trois jours peut-être. Ensuite, le Consul de
France à Islamabad, Monsieur Demange, veillera à leur rapatriement en France
avec la compagnie d'assurance du CAF.
Voici le résumé de ce qui s'est passé : nous sommes montés au camp2 (6200 m)
depuis le camp de base avec du matériel (nourriture et vêtements) pour y
dormir. Nous étions tous en pleine forme, et la météo favorable. Le
lendemain, nous sommes montés au camp3 (7300 m) avec les mêmes sacs, et les
skis pour ceux qui en ont, et qui les avaient déposés au préalable au camp2
: beaux sacs à porter à 7300 m !
Le lendemain, le mauvais temps nous a obligé à rester au camp3 : le risque
d'avalanche et le brouillard présentaient de trop grands dangers pour
redescendre. Denis a pris l'initiative de commencer à creuser un igloo juste
à cote de nos tentes, au cas où le vent et les chutes de neiges viendraient
à forcir. L'igloo est le meilleur abri qui soit en cas de très mauvis temps,
il y fait bon et c'est très silencieux. Nous y tenions a six ! (cinq
français et Jamie, le chef d'expédition). Nous avons tous participé au
chantier, Fabien et Yannick inclus. Le lendemain matin, le temps n'était pas
fameux, mais la visibilité nous permettait de voir suffisamment loin pour
redescendre. Fabien et Yannick dormaient avec moi dans une tente, Denis
Pierre-Olivier et Jamie dans l'autre. Eux trois se sont bien réveillés et
préparés, mais dans ma tente, Fabien et Yannick restaient endormis alors que
je me préparais et que je faisais chauffer l'eau sur le petit réchaud.
Lorsque Denis est venus voir notre tente et que je lui ai dis que Fabien et
Yannick dormaient encore, il a tout de suite compris que quelque chose
n'allait pas. Effectivement, après les avoir secoués un peu, Fabien et
Yannick se sont réveillés, mais Yannick s'est tout de suite plaint d'un
violent mal de crâne, et Fabien s'est habillé en essayant d'enfiler ses
gants à ses pieds ! Les premiers symptômes de l'oedeme cérébral, le 10
juillet au matin. Dès le début de la descente tout deux ne tenaient pas
debout : il a fallu les épauler, voire les porter, et ensuite les traîner et
les retenir assis dans la neige. Après quatre heures d'une lente descente,
Jamie est parti devant pour atteindre rapidement le camp2, y prendre de
l'oxygène et remonter au devant de nous : Fabien devait absolument reprendre
des forces, il faiblissait d'heure en heure. De 7300 m au camp2 (6200 m) il
a fallu 10h30 d'efforts intenses aux quatre valides (Jamie, Denis,
Pierre-Olivier et moi). A ce camp2, nous avons passé la nuit aux cotés de
trois américains, dont une femme médecin qui vomissait tant et plus lorsque
nous sommes arrivés. Néanmoins, elle a immédiatement fait une première
piqûre à Fabien, et donner une pilule à Yannick dès qu'elle les a vus. Denis
a passé la nuit à cote de Fabien, en lui maintenant le masque à oxygène sur
le visage. Le lendemain matin, les français étaient tous les cinq bien
affaiblis physiquement, et ce sont les trois américains et Jamie qui ont
transporté Fabien vers le camp1, tandis que les trois valides fatigués
s'occupaient de Yannick. Arrivés au camp1, des suisses et des hollandais ont
participé à la fin de la descente de Fabien, jusqu'en bas des pentes raides
du Broad Peak. Yannick a pu trouver la force de marcher jusqu'au camp de
base (une heure et demie de marche lente) mais il était impossible d'y
transporter Fabien. Les autres membres de notre groupe, des canadiens et des
porteurs sont venus depuis le camp de base vers le bas des pentes avec des
vêtements secs, de la nourriture, des réchauds et des tentes pour la nuit.
Au camp de base, depuis le matin, l'officier de liaison a fait la demande
d'évacuation par hélicoptère : elle ne serait possible que le lendemain
matin, 12 juillet. Il a donc fallu aménager sur la moraine une surface assez
grande et plane pour que l'hélicoptère puisse se poser. Je suis revenu avec
Yannick depuis le camp de base le lendemain matin après avoir fait deux gros
sacs contenant une partie de leurs affaires pour leur retour, et lorsque
nous sommes arrivés vers Fabien, il allait déjà beaucoup mieux, mais il
était toujours très faible. L'hélicoptère est arrivé à 09h15, il est reparti
aussitôt vers Skardu pour une escale d'essence avant Islamabad. C'est là que
deux médecins spécialisés ont préféré mettre Fabien et Yannick sous
surveillance dans leur unité de soins intensifs, avant d'envisager de
poursuivre leur évacuation.
Maintenant nous nous reposons et attendons que la météo soit favorable pour
reprendre notre ascension. Il est certain qu'avant de tenter le sommet, nous
devrons faire de petits allers-retours vers le camp1 et 2 pour garder le
bénéfice de notre acclimatation.
Soyez rassure, je ne prend aucun risque : ma santé est bonne, mon
acclimatation est optimale, je mange bien, digère bien et dors profondément.
Je vous embrasse bien fort, et vos messages d'encouragement sont les
bienvenus,
Olivier
A suivre...